J'ai très rarement l'impression de travailler quand je travaille.
J'adore mon métier, la ciselure, et je suis passionnée par les métiers d'art et de création en général. Le travail manuel, que ce soit du métal, du bois, du textile, du papier ... permet de donner vie aux idées, de s'exprimer dans la matière, et de transmettre son univers ; un peu comme un artiste à travers son pinceau et sa toile (est-ce que je vis dans le monde des Bisounours ? Un peu oui).
Les métiers d'art, c'est quoi ?
"Un métier d'art est une activité indépendante de production, de création, de transformation ou de reconstitution, de réparation et de restauration du patrimoine, caractérisée par la maîtrise de gestes et de techniques en vue du travail de la matière et nécessitant un apport artistique. "
(loi n°2014-626 du 18 juin 2014)
Vous remarquerez que la loi qui définit les métiers d'art date de 2014 seulement, alors qu'on parle de métiers qui existent littéralement depuis l'Antiquité pour certains.
Les professionnels relevant de la liste des métiers peuvent exercer sous différents statuts selon la nature de leur activité (artisan, artiste-auteur, profession libérale, salarié, fonctionnaire…). Il existe 281 métiers d'art en France, regroupés en 16 domaines :
Source : https://www.institut-metiersdart.org/metiers-art/fiches-metiers, qui est une véritable bible des métiers.
Quelle que soit la profession, l'artisanat est basé sur des valeurs fortes : la transmission, le partage, l'échange ; et un modèle de travail collaboratif. J'ai beaucoup trop entendu la phrase "savoir-faire et faire savoir", et bien que vue et revue, elle résume très bien ce que sont les métiers d'art et l'esprit qui les anime.
Transmettre, échanger, partager
La transmission passe par la formation, initiale ou continue, pour apprendre les bases techniques ; mais surtout par l'apprentissage et la répétition des gestes ; et des méthodes de travail et de création inhérentes à chaque métier. Que ce soit entre un-e professeur-e et ses élèves, ou entre un-e artisan-e confirmé-e et un-e débutant-e en stage ou en entreprise, pour faire perdurer nos métiers, les gestes, les techniques, la logique de travail, la créativité, doivent être diffusés.
On parle beaucoup en ce moment du mouvement #sauvonslesmetiersdart qui lutte contre la suppression d'heures d'ateliers dans les formations initiales : moins de temps de formation = moins de temps de transmission.
Et la transmission, c'est pourtant la base : tous les échanges construisent et enrichissent votre pratique, vos idées, votre créativité. Qu'on parle de rencontres et discussions avec d'autres artisans, avec les clients particuliers, professionnels, artistes ; avec des étudiants ; avec des clients ... On apprend constamment et on fait évoluer nos pièces en fonction des techniques que l'on connaît, et lorsque deux métiers différents travaillent ensemble on peut aller beaucoup plus loin.
Pour faire connaître et valoriser les métiers manuels et créatifs, le meilleur vecteur de partage reste d'échanger avec le grand public. Cela passe par des démonstrations (salons, expos ...) ; les portes ouvertes des ateliers d'art (notamment les Journées Européennes des Métiers d'art, qui sont les plus connues, mais il y a en a certainement d'autres à côté de chez vous) ; ou encore les ateliers "vitrine" comme le Viaduc des arts où vous pouvez voir les artisan-e-s à l'œuvre.
Collaborer
Actuellement il y a deux clichés concernant les artisan-e-s d'art qui persistent :
L'artisan-e "ermite" qui bosse seul dans une cave vétuste, et qui peine à - ou ne veut pas transmettre son savoir-faire - cliché qui date de l'époque où faire un métier manuel ou avoir un CAP étaient mal vus, uniquement réservé aux mauvais élèves ou aux décrocheurs scolaires. Aujourd'hui cette conception commence à évoluer, notamment par un très bon travail de communication des Chambres des Métiers et de l'Artisanat autour de l'apprentissage.
A contrario, l'artisan-e d'excellence qui a un parcours scolaire prestigieux, est couronné de titres (MOF, EPV, etc.), est connu-e à l'international et a monté une entreprise florissante.
Dans la vraie vie, la plupart des artisans se situent entre les deux. Il suffit d'écouter des podcasts comme Histoires d'artisans ou The Craft Project, dans lesquels les gens racontent leur parcours de vie, pour s'en rendre compte. Les métiers d'art font rêver, les artisan-e-s d'art sont des humains normaux ;)
Ces dernières années on a vu fleurir beaucoup de fablabs et d'ateliers partagés, généralement insérés dans une démarche d'économie circulaire, sociale et solidaire qui sort (légèrement) de notre système capitaliste. Travailler en collaboratif, ou juste en partageant un local, permet premièrement de se lancer économiquement beaucoup plus facilement (pour un atelier de bronzier tout équipé, même avec des machines d'occasion, on peut facilement sortir de 20000 à 50000€).
Et surtout, cela permet de sortir du schéma classique pyramidal de l'organisation d'une entreprise : salariés, n+1/managers, big boss. On se dirige naturellement vers un modèle horizontal, basé sur les échanges humains, techniques et créatifs. Tout n'est pas toujours rose évidemment, mais le fait de ne pas avoir de rapport de force (induit par la hiérarchie dans les entreprises traditionnelles) rend les rapports humains beaucoup plus simples, toutes les autres discussions (argent, entretien des locaux, planning ...) en sont facilitées - en tout cas dans mon expérience personnelle.
Je pense sincèrement que l'artisanat d'art a le pouvoir d'emmener à la fois les clients vers un mode de consommation plus raisonné en achetant local et durable ; et les artisan-e-s vers un nouveau modèle d'organisation du travail. Et c'est certainement une belle partie du "monde d'après" dont on parle depuis un an ;)
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